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Un jour de chance
Je n'ai pas fermé l’œil de la nuit. Il est cinq heures du matin. Je me lève. Quelques minutes après, je suis déjà fatigué. Je n'arrive pas à chasser mes soucis. La température qui avait baissé pendant la nuit, recommence à monter. Il y a beaucoup d'humidité dans l'air et ma respiration est de plus en plus laborieuse. Tous mes plans de travail sont gondolés ainsi que le papier du calendrier, mais aujourd’hui je n’en ai pas besoin. C’est le 24 Septembre 1978, un jour de voyage pour moi. Je pense à Polanco. Nous avons rendez-vous à 8h30 au port du village sur la rive nord du fleuve San Lorenzo. Il m'a promis d’être là mais je le connais bien, il sera en retard. Avant de me rendre au port, je fumerai une cigarette pour me ranimer et je ferai mon lit. Cette petite maison n’a ni eau ni électricité. Je ne connaissais pas mon bonheur, autrefois! Oui, le geste de tourner un robinet et la sensation de l’eau qui coule sur la peau sont, depuis plusieurs mois, un rêve. On s’habitue lentement à vivre en semi-sauvage; je sais que je peux construire un système plus adapté à ma réalité, mais je suis seulement de passage. Mon temps est limité et mes déplacements fréquents, alors je trouve que m’adapter est plus approprié que construire. En faisant le lit, je réalise que cette routine banale n'a pas de sens aujourd’hui : je serai déjà dans un autre village avant la tombée de la nuit. Mais, comment se passer d’une petite habitude quotidienne vieille de quinze ans!
Dehors, l’aube annonce le beau temps. Il n'y a pas un nuage dans le ciel, seule la brume qui monte en offrant le spectacle énigmatique de la jungle amazonienne. Je regarde le vieux thermomètre accroché à coté de la porte : 27°c ...hum!... dans six heures la colonne de mercure dépassera la marque des 40°C. Deux seaux et ma serviette à la ceinture, c'est tout ce que j’emporte vers « le puits des bains ». Avant, on l'appelait « le puits propre » mais, à cause d'un mauvais système de drainage, il est devenu « malpropre ». Je partage ce puits avec une dizaine de villageois. Pour me laver, je remplis mes seaux et fais couler l'eau doucement sur ma tête. Par bonheur, je me suis levé tôt et personne n’est encore là. Le caillebotis en bois n’est pas glissant, l’eau n’est pas trouble et la solitude est fort apaisante. L’endroit est visible de tous les cotés. Les femmes qui viennent ici pour faire la lessive ont planté des poteaux en bois et installé un toit en paille. Elles prennent possession des lieux les après-midis et alors le puits devient le coin de bavardage, de rires et probablement de réconfort. Sur le chemin du retour, je me dirige vers un autre puits, celui-ci est réservé à la cuisine et tout le monde sait qu’il est interdit de s'y baigner. Le puits est éloigné de l’autre pour éviter toute pollution souterraine. Je remplis un de mes seaux et rentre chez moi. Sur un réchaud au kérosène, je me régale d’un petit café pour récupérer de la nuit blanche. C’est curieux, on prend du café le soir pour combattre le sommeil et travailler d’avantage la nuit et le matin, on prend du café pour se rétablir de la mauvaise nuit que le café a provoqué.
Ma pension ne sert le petit déjeuner qu’à partir de 7h30. Ici, il n’y a pas de restaurants mais il y a une taverne et une poignée de particuliers qui offrent de la nourriture aux étrangers qui se font de plus en plus rares. Le propriétaire de ma pension est un vieux bonhomme d’environ soixante-cinq ans. Il a 11 enfants mais à la pension on ne voit que sa femme et sa plus jeune fille, Consuelo, une petite adolescente gentille avec de grands yeux noirs de gazelle et un sourire éclatant. Hier soir, elle m'a offert de la viande boucanée gratuitement pour mon voyage et une bouteille de masato (boisson de la région à base de yucca fermenté). Je n'aime pas tellement cela mais Polanco ne se fera pas prier pour lui faire un sort. Il dira comme d’habitude « cher Ingénieur, ce qui ne tue pas est bon pour la santé ». Je me suis laissé dire qu’il n’y a pas meilleur navigateur que lui dans la région. Avec sa grande pirogue à moteur, il détient le monopole du transport lourd. Le type est un costaud, du genre à tordre le cou à un taureau avec les bras. Cependant, ce qui le rend agréable en affaire, c’est son air bon enfant et familier.
Pour me rendre à la pension, je traverse la piste d’atterrissage, grand terrain plat en terre battue qui bloque l’expansion de la ville vers le sud. Mon logement est une des rares constructions du coté sud de l’aéroport. Un petit avion DC-3 qui a servi pendant la seconde guerre mondiale est actuellement le seul lien entre la « civilisation » et nous, les habitants de Iberia, ce petit village de la forêt amazonienne du Pérou où je me trouve. L’avion rentre ici deux fois par mois. Le pilote est un ancien pilote de lignes commerciales; aujourd’hui il est tellement dévoué au service de ces routes perdues qu’on l’appelle « Capitaine Dc3 ». Tous les commerçants comptent sur lui pour s’approvisionner en denrées de première nécessité. Ils font des affaires à la revente des produits, mais c'est la bière qui sert à amortir le coût du vol avec son prix d’or.
Hier, ce village vivait du caoutchouc. La majorité des gens travaillaient à l'extraction de la résine. Mais depuis la dernière fièvre du caoutchouc pendant les années 1940, le marché est mauvais. Tout ce qui reste dans l’esprit des villageois est l’espoir d’un retour des jours meilleurs, cet espoir qui ne connaît ni l’abandon ni l’inquiétude et qui pousse les gens à vivre et mourir ici dans l’attente que les beaux jours reviennent.
Le petit-déjeuner consiste en thé, bananes, yuccas (tubercules comestibles), riz avec un morceau de sanglier. Le menu est toujours pareil sauf pour la viande qui peut être remplacée par du poulet. Malgré toutes les manières possibles et imaginables d'accommoder ces aliments, je rêve tout simplement d'une tranche de pain bien tartinée de beurre. Impossible depuis plusieurs mois: je n’ai jamais vu un sac de farine par ici. Quand je quitte la pension, le propriétaire me serre la main en disant : « Bon voyage et bonne chance mon petit ! » Merci Don Ramon, j’en aurai besoin, je réponds, en observant son visage carré, sa respiration irrégulière et ses yeux de couleur indéfinissable.
La veille, il m’avait beaucoup parlé des dangers des rivières et des indigènes nomades de la région. Je crois aussi qu’il n’avait jamais vu un ingénieur si jeune et si insensé, assez fou pour voyager par-ci et par-là en utilisant toutes sortes de moyens de transport dans une jungle inconnue. Il était curieux et voulait savoir si ma paye était bonne. Selon lui, personne ne venait ici de son plein gré sans avoir un rêve et pire, en risquant sa vie pour un travail dangereux et pénible. Il m’avait raconté des histoires de chercheurs d’or qui avaient réussi pas loin d’ici. Oui, j’en connaissais bien quelques uns et je le croyais. Si on a de la chance, les pépites sont là et ne demandent qu’à être ramassées, sinon c’est une galère qui t’arrache quelques décennies de vie. Don Ramon eut l’air déçu quand je lui confessais que ma paye n’atteignait même pas 7 dollars par mois et qu’effectivement j’étais un volontaire, une sorte de missionnaire, mais un missionnaire « pressé, impatient » car ma mission du moment était de bâtir une infrastructure pour le réseaux d’eau potable et d’égouts dans plusieurs petits villages de la région. Le tout en quelques mois seulement. Je crois que Don Ramon cherchait un bon parti pour Consuelo, quelqu’un qui l’emmènerait ailleurs, vers les grandes villes, pour lui offrir un avenir plus facile, lui acheter des objets inaccessibles dans ces coins, et peut-être, la rendre heureuse. Il avait raison: la vie ici est une constante lutte contre la nature et les maladies, mais en contrepartie le stress n’existe pas et le temps semble s’étirer sans limite.
En route vers le port, j’ai l’impression que le sanglier du petit-déjeuner se réveille dans mon estomac, la digestion devient difficile et je regrette d’avoir refusé l’offre de Consuelo de goûter un « masato matinal » qui aurait pu achever l’animal. Enfin, je file avec mes provisions pour deux jours, ma petite valise bleue, une machette à longue lame, un couteau de chasse avec manche en bois de cerf et bien sûr, mon sanglier toujours somnolent! Le port !...c'est un bien grand mot pour désigner la trentaine de mètres de rive débroussaillée où viennent accoster les pirogues. Ces petites embarcations, faites généralement d’un seul tronc d’arbre, sont pratiques pour se déplacer sur les cours d’eau tout en évitant les obstacles plantés dans les rivières ou les troncs d’arbre flottants. La majorité de pirogues sont propulsées à la pagaie ou avec une longue perche qui pousse sur le fond du lit de la rivière. À Iberia, il y a seulement deux pirogues motorisées; l’une appartient à Polanco et l’autre à Conema. J’ai déjà voyagé avec ce dernier pendant une période de sécheresse où nous avons mis 10 heures pour un trajet qui normalement en prend 5. Le niveau de l’eau était tellement bas dans certains méandres que, à maintes reprises, nous avions dû décharger la pirogue, la tirer sur les bancs de sable et finalement la charger à nouveau. Ça avait été toute une pénitence: je devais solliciter tous les muscles des bras et des mains pour m’en sortir tandis que le soleil me brulait le dos.
La pirogue est chargée de proue à poupe. Il n'y a qu’une petite place pour manœuvrer la barre. Polanco s’y introduira tandis que je me blottirai sur le demi mètre carré qui reste libre en proue. Polanco lance le moteur et nous partons. L’hélice de la pirogue se trouve à l'extrémité d’une longue barre. L'ensemble: moteur, barre et hélice, peut basculer autour d'un axe horizontal à l’arrière de l’embarcation, ainsi, l’hélice peut être soulevée de l’eau pour éviter le choc contre les arbres et les bois qui encombrent le lit des rivières sinueuses. Récemment, Conema m’avait fait remarquer que l’hélice était son gagne-pain et que sans elle, lui et sa pirogue tombaient au chômage car elle était trop grande et trop lourde pour être manœuvrée avec des pagaies. En quelques minutes, Polanco et moi sommes libérés des moustiques et de la chaleur qui monte rapidement. Un petit vent vient de l’ouest comme s’il voulait se faufiler avec nous dans la même direction, enfermé entre deux grandes murailles vertes.
La végétation des deux rives est si serrée et gigantesque qu’elle me fait penser à des images préhistoriques qu’on trouve dans les livres de dinosaures. Je ne vois aucun accès dans ces murs de verdure et la rivière semble couler entre les branches. Même les rives finissent par disparaître: tout semble planté dans une masse d’eau verdâtre. C’est un monde où la couleur verte s’impose avec toutes ses tonalités. Des troncs d’arbre émergent de l’eau comme d’énormes périscopes. Il y en a d’autres qui sont partiellement submergés et qu’on peut repérer à quelques centimètres de la pirogue. Polanco les esquive adroitement. Oui, il connaît sa rivière aussi bien qu’un poisson. Je suis impressionné par sa dextérité et cela me rassure. L’énorme tas de tuyaux entre nous rend toute conversation impossible, alors je me concentre à observer tout ce qui défile devant moi. J’aime bien le bourdonnement que fait le petit moteur « peque-peque » qui, associé à la multitude de bruits provenant de la forêt, me fait rêver aux explorateurs d’autrefois.
Si tout va vient nous serons à San Lorenzo dans 5 heures. J’ai peur que le chantier soit totalement abandonné et les ouvriers envolés. J’avais laissé une dizaine d’hommes avec pour tâche de débroussailler le terrain et faire des excavations. J’avais eu du mal à les embaucher car l’endroit est inhospitalier et pour s’y se rendre il faut marcher au moins 10 heures dans la forêt ou payer une pirogue. Ils avaient finalement accepté avec la promesse de la nourriture payée, du logement dans une chaumière fournie par les locaux et d’une rémunération en liquide. Nous avions des communications grâce à la radio de l’armée frontalière déployée près du village, mais depuis deux semaines l’armée a cessé de nous transmettre tout renseignement. J’apporte toute la paye dans ma valise bleue; les billets sont enveloppés dans du papier kraft et forment des petits paquets qui ressemblent à des briques. Chaque brique a le nom d’un ouvrier. J’ai aussi inséré une note indiquant la destination de la valise en cas de perte ou si je me retrouve dans l’incapacité d’accomplir ma tâche.
Vers midi, le ciel est encore bleu mais derrière nous j’aperçois des petits nuages. Polanco tient bien la barre. La rivière s’élargit à chaque tournant des méandres. Il tient la pirogue loin de la rive pour éviter d’être fauché par une branche, mais pas trop loin pour éviter le courant fort et turbulent du milieu. Je pense à mes cours de mécanique des fluides et on dirait que Polanco navigue dans la couche d’écoulement transitoire, celle qui est placée entre la laminaire et la turbulente. Après deux heures, la monotonie du paysage et la chaleur m’incitent à dormir…non, non !! J’ouvre les yeux et… la surprise me paralyse. La pirogue bascule périlleusement à bâbord. Le tas de tuyaux dégringole. Je vois tout l’évènement se dérouler en ralenti, j’entends la voix désespérée de Polanco : « Ingénieur attention, sautez, sautez !» Il fait des efforts désespérés pour redresser l’embarcation, le visage crispé mais c’est trop tard et inutile. Le courant fait chavirer la pirogue. Tout le chargement est déjà à l’eau. Les tuyaux flottent quelques instants, puis s’enfoncent les uns après les autres. La pirogue vide et renversée s’enfuit, poussée par le courant. Elle coule. Quelques secondes après, la rivière a repris son cours normal nous laissant, Polanco et moi, impuissants. C’est comme si tout ce qui était avec nous ou près de nous s’était évaporé. J'ai réussi à attraper ma petite valise bleue, mais tout le reste a disparu, incluant mon couteau de chasse, un souvenir d'enfance. Nous atteignons un gros tronc; en grimpant dessus, je me souviens des tortues prenant leur bain de soleil. Ah! Me voilà perdu au milieu d’une rivière, dans une jungle inconnue.
J’ai encore les vêtements mouillés. J’espère arriver à San Lorenzo dans cinq heures. Le sentier est tellement rétréci que, de temps en temps, je suis obligé de ramper. Sans machette, je dois déplacer les branches avec les mains et les bras; les épines déchirent mes vêtements et parfois ma peau. J’ai l’impression d’avancer lentement; je suis attentif aux bruits des animaux et aux mouvements imprévus de la végétation autour de moi. Le vent s’intensifie; je le remarque car il agite le sommet des arbres de plus en plus violemment avec des hurlements inquiétants. J’aimerais courir. Impossible. La peur m’envahit peu à peu. J’ai encore du temps, je me dis, en calculant machinalement la durée de mon trajet. Je crois que le ciel se couvre. Difficile à confirmer car ma vue du ciel est limitée aux ouvertures entre le feuillage des arbres. Je me sens affaibli par la soif et la faim. Je sais qu’il y des cours d’eau par ici, mais je n’ai pas le temps d’en chercher et je n’ai pas envie de quitter le sentier. Par miracle, à quelques mètres hors du sentier, je trouve une flaque où l’eau coule à peine; il y a une couche de mousse verdâtre à la surface et surtout il y a toutes sortes d'insectes et de crapauds autour. Je cherche des vipères mais l’endroit semble oublié des prédateurs. Au fond de l’eau, des herbes et des algues poussent. Je me souviens d'un enseignant de l’école primaire qui avait dit de ne jamais boire d'eau complémentent limpide dans la nature, que cela pouvait être toxique par contre c’était plus sécurisant si on voyait d’autres êtres vivants à l’intérieur. J’écarte doucement la mousse verdâtre et plonge les mains pour boire. Ah ! Comme c'est bon de se faire du bien! C’est sûr que je viens d’avaler des millions de micro-organismes nuisibles, mais j’ai confiance que ceux qui habitent dans mon estomac gagneront la bataille. Enfin, organismes ou pas, le précieux liquide me donne la force de continuer. Plus tard, Zut ! Une bifurcation ! Que faire ? Le sentier de gauche est moins serré et je le prends. Pas loin de l’embranchement, je remarque un débroussaillage naturel de la forêt. Le bruit qui m’avait accompagné jusque-là devient différent, plus grave, plus calme. Une hutte ? Un champ défriché ? Je m’approche lentement. Je découvre des espaces ouverts où la lumière pénètre sans obstacles. Il n'y a pas de feuilles sur les quelques arbres qui restent debout. Au centre de ce paysage rougeâtre et désolé, il y a des tours de fourmilières, comme si quelqu'un avait construit de grands châteaux de sable pour les enfants. Oui, ce sont d'énormes fourmilières; les plus grosses doivent faire 2 mètres de haut, un mètre de diamètre à la base et un demi-mètre au sommet. Je m'approche pour contempler les détails en surveillant les fourmis autour de moi. Elles montent et descendent sur mes pieds avec des mouvements affolés. Les tours sont d'impressionnants travaux d’ingénierie. Par endroits, elles semblent violer la loi de la gravité. Le nombre de fourmis se multiplie sur mes jambes et je comprends que ma visite est Non Grata. Je m'éloigne doucement pour retourner dans le sentier. Des millions de fourmis, de toutes tailles et formes travaillent sans arrêt. Fascinant ! Après un quart d’heure de marche, la végétation est si dense qu’elle m’empêche de continuer: le sentier de gauche était le mauvais choix; je recule et j’essaie de gagner du temps en quittant le sentier et en coupant vers le sud à travers la végétation, encouragé par mon adaptabilité. Je suis sûr de croiser l’autre sentier et de pouvoir ensuite virer ver l’est.
Probablement, vers 8 heures, le terrain devient plus plat et le sentier plus large. L'aboiement d’un chien me remplit de courage. Incroyable, malgré le bruit omniprésent de la forêt, j’arrive à distinguer l’aboiement. Quelle joie! Je pense que je n'ai jamais ressenti autant d'amour pour un chien. Au bout de quelques minutes, j’aperçois quelque chose au loin; qu'y a-t-il, là-bas? Une petite lumière! Oui! J’accélère le pas. Je tombe deux fois, mais je me relève. Les aboiements du chien sont maintenant plus forts et menaçants. Je m'arrête et le chien se tait. J’aperçois une cabane et la silhouette d’un homme qui sort avec un fusil. La bête recommence à japper. Avant d’être pris pour du gibier, j’allume la lampe de poche et crie « allo, allo, où suis-je ». L’homme: «Qui est là?... mais... Ingénieur ! C’est vous !...mais comment? Êtes-vous seul?» Oui. C’est le sergent de la garde frontalière à qui je raconte en deux minutes ce qui m'est arrivé. « Entrez, entrez » dit-il « Les ouvriers sont encore là. Nous croyions que vous aviez abandonné le projet ». Nous parlons un peu. Il me donne du café et des vêtements secs. Je soigne mes blessures. D’autres soldats arrivent et se mettent autour de moi. Le sergent dit "vous avez de la chance, c’est l’heure de souper, allez!, un peu de riz et du masato vous feront du bien ». Oui, du masato bien sûr, j'ai de la chance. Après le repas, les soldats m'offrent un endroit pour passer la nuit. Je suis tellement crevé que je suis fasciné par les lattes de bois qui me servent de matelas. Je m'endors vite. Je pense au lendemain et je me rends compte qu’aujourd'hui, c'est dimanche et que la semaine de travail commence demain. Avant de fermer les yeux, je revois rapidement ma journée. Je pense à Polanco, Don Ramon et Consuelo, mais surtout aux fourmilières ! Et je souris car la chance m’a toujours accompagné.
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